- inféoder
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• 1411; lat. médiév. infeodare « concéder en fief »1 ♦ Hist. Donner (une terre) à un vassal pour qu'il la tienne en fief. ⇒ aliéner. — Par ext. Gratifier (un vassal) d'une terre donnée en fief.2 ♦ (XIXe) Cour. Soumettre à une autorité. L'Église, « une puissance à ménager et [...] à inféoder à l'État » (Madelin). — Pronom. S'inféoder à un parti, à un chef. ⇒ obéir, se soumettre. « la secte où il s'est inféodé » (Caillois).inféoder (s')v. Pron. S'attacher par un lien étroit. S'inféoder à un chef, à un parti.⇒INFÉODER, verbe trans.A. — DR. FÉODAL.1. Qqn1 inféode qqc.1 à qqn2. Aliéner une propriété, une charge, un droit et la ou le concéder à quelqu'un à titre de fief en échange de certains services.a) [Le suj. désigne un suzerain, le compl. prép. désigne un vassal]— Inféoder une terre (à qqn). Les ducs de Bretagne (...) inféodèrent ces domaines à des chevaliers bretons (CHATEAUBR., Mém., t. 1, 1848, p. 519) :• 1. ... système féodal, entièrement fondé sur les prétendus droits du propriétaire d'une immense étendue de terrain qui en inféode et sous-inféode les diverses parties, ce qui établit une hiérarchie depuis le dernier tenancier et même le serf de glèbe, jusqu'à ce premier et suzerain seigneur...DESTUTT DE TR., Comment. sur Espr. des lois, 1807, p. 283.Rem. DG et ROB. enregistrent la constr. qqn1 inféode qqn2 d'une terre au sens de « concéder une terre en fief à quelqu'un ».♦ Part. passé adj. Domaine inféodé (Ac.).— Inféoder une charge (à qqn). [À la forme passive] Le mot de Marana était, pour elle, ce que la dignité de Stuart fut pour la célèbre race royale écossaise, un nom d'honneur substitué au nom patronymique, par l'hérédité constante de la même charge inféodée à la famille (BALZAC, Marana, 1833, p. 72).b) [Le suj. désigne le clergé, le roi ou un noble; le compl. prép. désigne un seigneur laïque] Inféoder une dîme (à qqn). Aliéner une dîme et en abandonner la perception à un laïque. Le clergé prélevait la dîme, parfois inféodée d'ailleurs à un laïque (LEFEBVRE, Révol. fr., 1963, p. 59).— Part. passé adj. Dîmes inféodées. (Dict. XIXe et XXe s.).2. Qqn1 inféode qqn2. [À l'époque mérovingienne; le suj. désigne le roi ou un noble, le compl. d'objet désigne un leude] Assujettir un leude, s'attacher sa personne, sa fidélité et ses services en garantissant en échange sa protection.— À la forme passive :• 2. Quelque libres que fussent originairement ces derniers Leudes, toute noble que fût leur extraction, ils recevaient la protection d'un autre, lui juraient fidélité, devenaient ses hommes par le fait même, et cessaient de s'appartenir : service regardé comme un honneur, ambitionné par une partie de la jeunesse indépendante, ainsi inféodée à un chef illustre, et qui se vouait à le seconder dans ses guerres particulières.F. D'ECKSTEIN ds Le Catholique, n° 22, oct. 1827, p. 194.B. — Au fig. Inféoder à. Mettre dans un état de dépendance, d'assujettissement vis-à-vis de; abandonner, aliéner au profit de.1. Inféoder qqc.1a) à qqn2— Qqn1 inféode qqc.1 à qqn2. Cette société ne doit constituer aucune aristocratie de droit, (...) car ce serait inféoder à quelques-uns cette loi qui est la propriété de tous (LAMART., Corresp., 1836, p. 232) :• 3. Tandis que le propriétaire (...) vit en sécurité (..), l'ouvrier n'a d'espoir qu'en la bienveillance de ce même propriétaire, auquel il a vendu et inféodé sa liberté.PROUDHON, Propriété, 1840, p. 218.♦ P. ext., rare. Considérer comme propre à, attribuer à. Cette notion de fatalité je l'ai tellement inféodée à Byron, et je l'ai si bien creusée à son sujet, qu'il me répugne de la reprendre ici (DU BOS, Journal, 1927, p. 304). Faire devenir propre à; faire assimiler, inculquer à. Raoul (...) avait (...) été élevé selon les idées de sa race, que lui avaient inféodées de bonne heure les entretiens de sa mère et du marquis de La Seiglière (SANDEAU, Mlle de La Seiglière, 1848, p. 33).— Emploi pronom.♦ à valeur passive. Qqc.1 s'inféode à qqn2. D'après ce que dit Vincent, il serait question que l'Espoir s'inféode au S.R.L.? (BEAUVOIR, Mandarins, 1954, p. 143).♦ réfl. indir. Qqn1 s'inféode qqc.1 De là ces mouvements qui (...) portent l'autorité civile à vouloir s'inféoder les religions, et l'autorité spirituelle à prétendre diriger à son profit et capter les forces politiques (Philos., Relig., 1957, p. 48-2).b) à qqc.2— Qqc.3 inféode qqc.1 à qqc.2 L'attitude libérale qui, érigeant en absolu la séparation du spirituel et du temporel, risquait finalement d'inféoder le premier au second (Philos., Relig., 1957p. 46-14).♦ À la forme passive. La mécanique ondulatoire (...) est moins inféodée à la notion de mesure que la gravifique d'Einstein (Gds cour. pensée math., 1948, p. 470).— Emploi pronom.♦ à valeur passive. Qqc.1 s'inféode à qqc.2 Au lieu de simplement tirer parti des sciences en cours et de leurs méthodes, elle [l'esthétique] s'y inféodait (HUYGHE, Dialog. avec visible, 1955, p. 421).♦ réfl. indir. Qqc.3 s'inféode qqc.1 Les conditions économiques (...) importent foncièrement à la destinée des activités spirituelles (...) et (...) tendent constamment à se les inféoder (MARITAIN, Human. intégr., 1936, p. 58).2. Inféoder qqn3a) à qqn2— Qqn1 inféode qqn3 à qqn2 Maurras inféode l'Église à un parti (MAURIAC, Écrits intimes, Journal d'un homme de trente ans, 1948, p. 139).— Emploi pronom. réfl. Qqn1 s'inféode (à qqn2). S'inféoder à un parti. Il revint sous d'autres prétextes, tâchant chaque fois de se rendre aimable, serviable, s'inféodant (FLAUB., Mme Bovary, t. 2, 1857, p. 101). Pratiquer la religion, s'inféoder à un Dieu et à ses bonzes (ROLLAND, J.-Chr., Maison, 1909, p. 1044).— À la forme passive. Le Sénat était soumis et inféodé au chef de l'État (VEDEL, Dr. Constit., 1949, p. 125).— Part. passé adj. Hommes anonymes, inféodés à une grande ou petite célébrité (GONCOURT, Ch. Demailly, 1860, p. 113). Le grand-duché paraît si inféodé à Berlin qu'il est à peu près certain que les Allemands n'hésiteront pas à la violer [sa neutralité] (JOFFRE, Mém., t. 1, 1931, p. 109).b) à qqc.2— Emploi pronom. réfl. Qqn1 s'inféode à qqc.2 Je ne m'inféode à aucune époque, à aucun système; je désire être l'homme de toutes les dates heureuses, de tous les systèmes utiles (LAMART., Corresp., 1834, p. 54). Gide (...) entend manifester (...) tout ce qui est en lui et ne s'inféoder qu'à une chose, et à celle-là nettement s'inféoder : à savoir, au fait de représenter (DU BOS, Journal, 1925, p. 365).— À la forme passive. Être inféodé à une doctrine. Je ne parle pas ici de l'Église, qui n'a jamais été liée, ni inféodée à aucun régime temporel quel qu'il soit (MARITAIN, Human. intégr., 1936, p. 261).— Part. passé adj. Chez les critiques littéraires, (...) les plus arriérés, les plus inféodés au classicisme étroit, sont moins fermés, plus ouverts aux choses nouvelles de la littérature (GONCOURT, Journal, 1885, p. 431).Prononc. et Orth. : [
], (il) inféode [
]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1411 infeode « dû (en fonction de relations féodales) » (Cout. d'Anjou, I, 446, Beautemps - Beaupré ds GDF. Compl.); 1680 inféoder « donner quelque chose en fief » (RICH.); 2. 1827 fig. s'inféoder (ECKSTEIN, Le Catholique, n° 24, déc., 552-3 ds QUEM. DDL t. 15). Empr. au lat. médiév. infeodatus, part. passé de infeodare « concéder en fief » (1109-20 ds NIERM.), se rattachant à la forme lat. feodum de fief. Inféoder a supplanté le plus anc. infeuder « investir d'un fief » (24 janv. 1393 ds Pièces relatives au règne de Charles VI, éd. L. Douët-D'Arcq, t. 1, p. 116) [lat. infeudare 1097 ds NIERM.], se rattachant à la forme lat. feudum de fief. Fréq. abs. littér. : 51. Bbg. DUB. Pol. 1962, p. 323. - QUEM. DDL t. 6.
inféoder [ɛ̃feɔde] v. tr.ÉTYM. 1411, p. p. infeode « dû (en raison d'une inféodation) »; lat. médiéval infeodatus, p. p. de infeodare « concéder en fief », de in- marquant l'aboutissement de l'action, et feodum « fief »; inféoder (refait sur le p. p., ou repris directement au lat.) a supplanté infeuder (« investir d'un fief », 1393), lat. infeudare, de feudum. → Fief.❖1 (1680). Hist. a Donner (une terre à un vassal) pour qu'il la tienne en fief. ⇒ Aliéner. || Le seigneur pouvait inféoder un domaine à son vassal. || Inféoder une charge, un bien à… || Le clergé pouvait inféoder la dîme à un laïc. || Inféoder un héritage.♦ Au participe passé :1 (…) dans deux terres que je dois bien connaître, inféodées du temps de Charles V, j'ai trouvé la moitié plus de feux qu'il n'est marqué dans l'acte d'inféodation (…)Voltaire, Dict. philosophique, Population.c Assujettir qqn par le lien de vassalité.2 Cour. (1867). Soumettre à une autorité. || Inféoder sa liberté, ses droits à qqn. || « Maurras inféode l'Église à un parti » (Mauriac, in T. L. F.). || Inféoder une science à la logique, des connaissances à une idéologie. — (Le compl. désigne une entité politique). || Inféoder l'Église à l'État. — Au p. p. || Républiques forgées et inféodées par la France, sous l'Empire (→ Couverture, cit. 4).2 (…) il a, d'autre part, trop connu l'Église, quand il en était presque, pour ne pas saluer, en elle, une puissance à ménager et, autant qu'on le pourra, à inféoder à l'État.Louis Madelin, Hist. du Consulat et de l'Empire, Vers l'Empire d'Occident, II.♦ S'inféoder qqch., qqn, le, la soumettre à son autorité (sujet n. de personne ou de chose). || S'inféoder à une religion, un parti, à une idéologie. || La science s'inféode à des principes.3 (1827). Pron. || S'inféoder à un parti, à un chef… ⇒ Obéir, soumettre (se). || « Je ne m'inféode à aucune époque, à aucun système » (Lamartine, Correspondance, in T. L. F.). — (Sujet n. de choses). || Journal qui s'inféode à un parti.——————inféodé, ée p. p. adj.ÉTYM. (Au sens 1).♦ || Domaine inféodé. — Dîmes inféodées, aliénées par l'Église au profit des seigneurs.♦ (Au sens 2). || États autonomes, mais inféodés (à un autre). → Expansion, cit. 5; frontière, cit. 4. — (Choses abstraites). || Science inféodée à une théorie.♦ (Au sens 3). Personnes. Soumis (comme un vassal). || Rester inféodé à qqn (→ Coudre, cit. 5). || Être inféodé à une doctrine.3 (…) faute de comprendre les nécessités de l'heure, inféodé stupidement à son parti (…)Aragon, les Beaux Quartiers, II, XII.4 Malgré la fermeté de ses opinions, il se laissa effleurer par le regret de n'être pas inféodé à un parti réactionnaire, ce qui lui eût permis d'exploiter son idée avec l'approbation de sa conscience.M. Aymé, le Passe-muraille, p. 141.❖DÉR. Inféodation.
Encyclopédie Universelle. 2012.